Au fil du temps

Entre Riga et Tartu

Quintidi 15 fructidor CCXXV
(vendredi 1er septembre 2017)

 

Les vacances, ce n'est pas que ce relâchement benoît après le devoir annuel accompli. Sans les obligations morales et professionnelles pour la sommer de se taire, la conscience libérée fait entendre sa voix. Finie l'esquive pusillanime, le rendez-vous avec le doute reporté aux calendes grecques ! La vision claire, rivée sur l'horizon, on laisse remonter les pensées profondes à la surface. On les écoute sans tourner la tête vers la première distraction venue. Soudain une évidence ou plusieurs vont faire jour. On sort alors le marbre et l'on y grave, avant qu'elles ne s'évaporent en chimères, les grandes résolutions à accomplir dès l'appel de septembre. Libre à nous de les suivre.
Cet été, mon bilan estival de bien-être a mis en lumière quelques constats.

Dans un bus balte, entre Riga et Tartu, après avoir regardé « Mad Max : Fury Road » doublé en russe et sous-titré en anglais, j'ai sorti mon carnet de route et j'ai noté :
Primo : si tu écris encore des chansons, écris autrement
Secundo : même par bonté, ne ménage pas la chèvre et le chou
Tertio : si la nécessité subordonne le plaisir, abandonne

Ce n'est pas la première fois que je me formule ces trois recommandations. Mais le prosaïsme latent les a parfois édulcorées sous couvert de réalisme. Il faut tellement prendre sur soi pour poursuivre ses visées que parfois la politesse ressemble à de la lâcheté. Quand bien même, au final, le but semble atteint, on se demande à l'arrivée si l'on ne se ment pas à soi-même. Dans LA NUIT AMÉRICAINE, François Truffaut fait dire à Ferrand, son double dans le film : « Avant de commencer un tournage, je désire surtout faire un film qui sera beau. Dès que les premiers ennuis surgissent, je dois réduire mon ambition et je me prends à espérer simplement qu'on terminera le film. » En création, le résultat final n'est jamais tout à fait celui que l'on avait en tête. Le curseur de l'exigence s'altère sous les contraintes. Même si l'imprévu nous fait quelques belles surprises, la satisfaction reste un arrangement avec soi-même. C'est pourquoi l'on remet le couvert obstinément dans l'idée d'atteindre un jour « l'inaccessible étoile », au risque de confondre élan vital et peur du vide.
Longtemps j'ai eu peur du vide. C'est fini. Aussi, à compter de ce jour, primo, secundo et tertio resteront solidaires dans le même bateau. Sinon ciao ! La liberté m'est aujourd'hui plus précieuse que tout.